Saviez-vous que le petit commerce situé au 5027 rue Wellington est une cordonnerie qui a pignon sur la rue depuis près de 100 ans? Ça en fait l’une des plus vieilles boutiques encore en activité de l’artère commerciale!
Les propriétaires actuels de la Cordonnerie Argentino, qui en ont fait l’acquisition en 1990, nous ont fait part de la longue histoire de cette institution et qui cherchent désormais à passer le flambeau à un autre cordonnier.
L’épopée de la cordonnerie commence lorsque M. Milano, débarqué d’Italie avec son bagage de cordonnier, en a ouvert les portes en 1924. Ce dernier devait être loin de se douter que, presque cent ans et trois propriétaires plus tard, la boutique embaumerait encore autant le cuir et aurait toujours pignon sur la principale artère commerciale de Verdun!
Après de belles années à oeuvrer sur la rue avec les autres artisans de la chaussure du coin dans les années 30 et 40, (il parait qu’il y en avait plus d’un!) et le décès de M. Milano, le commerce a été mis en vente. La boutique a donc été rachetée dans les années 1950 par monsieur Johnny Argentino, qui lui a donné le nom qu’elle porte encore aujourd’hui.
Et finalement, c’est en 1990 que Frank Di Lazzaro, qui connaissait M. Argentino depuis longue date, ayant grandi dans le même village que lui en Italie, a fait l’acquisition de la cordonnerie. Il a gardé le nom tel quel, puisqu’elle jouissait déjà d’une bonne réputation.
On peut dire que l’esprit familial et communautaire de la boutique y est imprégné depuis longtemps!
Durant un entretien avec Linda Di Lazzaro, une des filles du propriétaire, qui tient également boutique à la cordonnerie, elle nous a fait part du travail assidu et du dévouement de son père, Frank, envers son magasin. «Il ouvrait à 8 heures et il pouvait travailler jusqu’à 14 ou 15 heures par jour dans l’arrière-boutique à réparer les chaussures pour ses clients, même après les heures d’ouverture. Il était très dédié à son métier», a-t-elle confié.
«Je me souviens qu’on allait [à la boutique] aider mon père les jeudi et vendredi après l’école et le samedi toute la journée, ma soeur et moi. Les habitués nous ont pratiquement vues grandir dans le commerce», raconte Linda, qui avait 14 ans à l’époque où son père a repris les rênes de l’institution. Elle connaît aujourd’hui sa clientèle par coeur et en tire une grande fierté.
La famille Di Lazzaro a ainsi évolué dans un joli chaos entre machines, outils, cires, lacets, bottes et sac à main, offrant une expérience authentique italienne aux personnes venues leur confier leurs items en cuir.
Tenant son commerce à lui seul ou presque et religieusement installé dans l’arrière-boutique, Frank Di Lazzaro redonnait lustre aux objets d’une clientèle régulière pour qui l’entretien et la réparation des chaussures étaient monnaie courante. Selon Linda, il était coutume de prendre plus soin de ses souliers et bottes à l’époque.
Or, le «fast fashion» et la production de masse grandissante dans les dernières décennies ont fait en sorte que les gens étaient plus prompts à jeter leurs vêtements, qui, vendus à petits prix, perdaient alors en valeur. Ce phénomène n’a pas échappé aux chaussures, que les gens se sont mis à jeter plutôt qu’à les faire réparer, au détriment du métier de cordonnier.
Mais ce qui a fait le plus mal à l’industrie, a expliqué Linda, c’est la pandémie. «Les gens ne sortaient plus et travaillaient de la maison. Ils n’avaient donc pas à faire réparer ou cirer leurs chaussures.», relate-t-elle.
Hélas, les habitudes ont changé; le télétravail est resté, et la mode rapide aussi.
Mais ironiquement, Linda a constaté que les gens commencent maintenant à réparer davantage leurs chaussures, surtout les plus jeunes, en raison du coût de la vie et des changements climatiques!
Et tout comme le temps continue d’avancer, Linda nous a annoncé avec émotion la mise en vente du fonds de commerce. Après plus de 30 ans de travail assidu, le temps est venu pour son père, Frank Di Lazzaro de prendre une retraite bien méritée.
Une des plus vieilles boutiques de la Promenade Wellington est maintenant prête à passer le flambeau et son beau bagage pour perpétuer le savoir-faire du travail du cuir. Car bien que moins populaire qu’avant, le métier de cordonnier est, et restera toujours essentiel pour assurer la longévité de nos chaussures, équipements et accessoires.
La plus grande fierté de Linda, dans cette épopée de la Cordonnerie Argentino? «Avoir une clientèle qui est comme la famille, et regarder mon père travailler. Je suis également très fière de la connaissance du métier que mon père m’a enseignée», répond-elle sans hésiter, avec un léger trémolo dans la voix.
Souhaitons à Frank une bonne retraite et beaucoup de bonheur dans les nouveaux projets des Di Lazzaro!
La famille Di Lazzaro tient à remercier tous ses fidèles clients pour ces belles années.